Lettres
Retranscription de lettres envoyées à la famille et aux ami(e)s.
Léo Belisle
En Océan, le 5 juillet 1940
Chers Parents,
C'est par une soirée passée sur la mer que j'en profite pour vous donner de mes nouvelles, qui sont excellentes. J'ai pris le train samedi après-midi, pour y rouler une journée demie, et nous nous sommes embarqués ensuite sur le bateau dont nous sommes en ce moment. La température a été favorable, mais le paysage différent. Le train roulais raisonnablement pour qu'on puissent voir lea beaux spectacles de la nature. Sur le bateau, le spectacle n'est que ciel et eau. Je ne sais pas à quelle place je vais mais une chose certaine, c'est que je vous ferex parvenir de mes nouvelles quand même; comme j'espère avoir des vôtres. Je n'ai pas eu le mal de mer, comme vous pourriez l'avoir penser, et j'en suis jeureux car je n'aurais jamais pensé pouvoir faire d'aussi beaux voyages. J'espère que votre santé est bonne et que Papa travaille toujours, mes frères et soeurs sont d'une bonne santé aussi.
De votre fils qui ne vous oublie pas et qui attends de vous lire sous peu, en vous embrassant tous.
Léo Belisle
Islande, le 26 juillet 1940
Chers Parents,
C'est par un après-midi pluvieux que j'en profite pour faire un brin de causette avec vous. La santé est bonne j'espère, tant qu'à moi je ne peux croire que ma santé a pu supporter toutes les mauvaises température que nous avons. Je n'ai reçu de nouvelles de vous depuis assez longtemps. Comme vous voyez quand on aime sa famille, son père, sa mère, ses frères et soeurs et qu'on est séparé d'eux on ne peut se passer d'eux. Nous c'est comme un enfant qui recoit des bonbons, à chaque fois qu'on recoit une lettre. J'ai reçu votre dernière lettre à Val-Cartier quelque jours avant mon départ. Vous avez reçu ma carte postale, ceci vous démontre un peu dans quel pays nous sommes. Thérèse et Marie-Rose sont en vacances et j'espère qu'elles sont un aide précieux pour vous chère mère. Je leurs demanderai qu'elles m'écrivent quelques mots de temps à autres. J'aimerais leurs faire comprendre qu'elles sont dans leurs meilleurs temps. Comme vous me le disiez chère Maman, je vous disais que je comprenais, mais non je ne le comprenais pas: c'est aujourd'hui que je le comprends un peu. Après vous avoir quitté, pour vous revoir un jourje ne sais quand. Donc montrez-leurs ma lettre et dîtes leurs que je pense bien à eux, ainsi qu'à vous chère Maman comme j'aimerais être auprès de vous, pour vous démontrer que je saurais vous faire plaisir et vous rendre heureuse. Comment te portes-tu Lucien? travailles-tu toujours? dis-le moi dans la prochaine lettre. Ca me fera plaisir. Je demandais si je pourrai voir les photos que nous avons prises ensemble, sont elles jolies.
Je termine car je ne veux pas être en retard sur la parade. Je vous embrasse tous et vous salut en espérant recevoir de vos nouvelles sous peu.
D'un fils qui pense à vous,
Léo Belisle
N.B. N'inscrivez pas le nom ''Islande'' sur l'enveloppe, car la lettre ne me sera pas remise. Merci
Islande, le 31 juillet 1940
Bien chers Parents,
C'est après avoir reçu des nouvelles d'une amie, pour la première fois en Islande, que je profite de l'occasion pour vous écrire. J'espère que vous allez tous bien, car moi de ce temps-ci je nesuis pas très bien, ainsi que Fernande, comme je viens de vous le dire, je viens de recevoir de ces nouvelles. Elle me dit de vous saluer dans ma prochaine lettre, c'est ce que je vous transmet de tout mon coeur. Comment allez-vous? Ce sont là, chère Maman, des pensées que je me répète sans cesse de minute en minute, de jour en jour. Il est moins difficile pour vous mère de me faire parvenir de vos nouvelles et celles de mes soeurs et frères par l'intermédiaire de celles-ci. J'ai écris à tout mon monde; Léopold, Gratia, mon oncle, aisnsi que mes amis et amies. C'est le seul désennui que je puisse avoir, en leurs donnant mon adresse. Je me demande que vous disiez à Rosaire qu'il m'écrive.
Je termine en vous embrassant tous et espérant vous relire sous peu.
De votre fils Léo
Islande, le 23 août 1940
Bien chers Parents,
C'est par un beau samedi après-midi que je prends la plume, pour répondre à votre lettre. J'ai reçu votre lettre le 22 août, qui fut promptement décachetée, pour apprendre toutes les bonnes nouvelles que vous m'avez faites parvenir chez Père. Je suis si heureux d'apprendre que vous travaillez tous, car cela signifie que vous êtes tous bien. Je remercie Dieu d'avoir exaucé ma prière, pour avoir donné un emploi à Rosaire, je m'en réjouis pour lui. Tant qu'à moi je me porte très bien. Jusqu'à maintenant mes supérieurs n'ont pas eu un reproche à me faire. Et sur la question du devoir religieux, je n'ai jamais été aussi fervent par le passé. Grâce à vous chers parents, par vos exemples, je puis Le servir plus fidèlement. J'ai reçu la correspondance de Soeur Pierre-Amédée, qui m'envoie quelques médailles, accompagnée de la Soeur Supérieure, qui me rappel mon devoir et qui me donne de bonnes pensées, ainsi que notre Révérende Soeur. Si vous auriez vu cette lettre, un belle je vous dis, je l'ai montrée à mon Major qui, lui, l'a montré à plusieurs autres officiers. Je la garde et conserverai toujours ainsi que toutes les vôtres. J'ai reçu aussi plusieurs autres nouvelles de mes amies et amis. J'ai distribué les souvenirs à mes confrères, comme mes soeurs me le demandaient, pour en garder deux pour moi. Si vous auriez vu ces gens de mon âge se réjouir de cette belle petite médaille. Je m'efforcerai pour lui écrire une lettre, en réponse à la sienne, en m'appliquant le plus que je pourrai.
Je vais terminer en vous embrassant. Excusez les fautes et l'écriture, car j'avais tellement hâte de vous parler, à bientôt.
Léo
Islande, le 11 octobre 1940
Bien chers parents,
Il m’est un devoir bien doux de vous adresser, comme un enfant fidèle à ses parents, la parole. Bien que très éloigné de vous tous, je n’ai jamais cessé de penser à vous. Tous les jours je m’unis à vos intentions en offrant mes ennuis ou autres difficultés morales à la conservation de toute la concorde qu’un foyer bien né peut apporter. J’espère vous retrouver toujours en parfaite santé. J’ai appris par Léopold que Thérèse était à sa première année à l’école Normale pour un séjour de trois ans. C’est déjà un grand pas pour acquérir un surplus de connaissance ; si Dieu le permet, puisse-t’elle transmettre son surplus de savoir à d’autres comme notre Révérende Sœur Marie-Pierre Amédée, mais que sa Sainte Volonté soit faites et non la nôtre. Permettez-moi ici de vous redire que Soldat du Christ avant d’être volontaire du roi, j’aime à le redire parce que je désire l’être jusqu’à la fin de ce présent conflit, qui n’est autre qu’un fléau que Dieu nous envoit pour rappeler le monde dans le droit sentier. Pour ma part ma santé est excellente, je demeure toujours à la même place, à part cela c’est toujours la même routine. Avant de vous laisser, une pensée dans vos prières m’aide à me guider vers un idéal surnaturel. Vos conseils me sont toujours un précieux encouragement, puissent-ils me revenir?
Donc je termine en vous embrassant tous et en serrant cordialement la main à Papa et Lucien.
De votre fils dévoué, Léo
Montréal, le 23 novembre 1940
Bien cher enfant,
D’après ta lettre du 11 octobre tu ne parais pas avoir reçu mes lettres précédentes du 31 août et 6 octobre, que je t’ai écrite. Laisse-moi savoir si tu les a reçues oui ou non. J’ai reçu ta lettre du 16 octobre le 22 novembre. Si c’est un plaisir agréable pour toi de recevoir de mes nouvelles, il en est ainsi de nous tous, car nous sommes tous anxieux d’avoir de tes nouvelles. Nous sommes tous heureux d’apprendre que ta santé est bonne ; c’est le mieux que tu puisses désirer dans les circonstances. Nous sommes un peu chagrins à la pensée des fêtes qui approchent puisque la famille ne sera pas complète comme par les années passées. Mais console-toi, nous pensons à toi tous les jours et surtout davantage dans ces temps d’afflictions familiales nos cœurs seront avec toi espérant que l’année que nous allons bientôt commencer sera plus heureuse et que, si c’est la volonté de Dieu comme nous l’espérons tous, tu nous reviendras sain et sauf dans le courant de cette année. C’est par la prière et la résignation dans nos épreuves que nous obtiendrons de Dieu tout ce que nous pouvons désirer et même davantage. Nous avons vu Sœur Pierre-Amédée dimanche dernier ; elle se proposait de répondre à ta lettre et aussi de t’envoyer ce que tu lui a demandé. Elle très bien et enseigne toujours sa classe de petits garçons. Nous sommes tous en parfaite santé et il n’y a rien de nouveau depuis ma dernière lettre.
Toute la famille se joint à moi pour te souhaiter bonne et heureuse année.
Courage, bonheur et succès. Je t’envoi de ma part la meilleure bénédiction paternelle.
Adonias
Angleterre, 14 décembre 1940
Chers Parents,
C’est après un dur espace de temps, qui s’est malheureusement trop prolongé, qui fut la cause de mon silence. Nous avons voyagé pendant plusieurs fois et j’ai suivi des cours qui ne m’ont pas laissé un moment de répit. Il y a des circonstances qui ne me permettent pas de vous expliquer ici, dans ce cas par rapport à l’état de l’Europe actuelle. Car vous devez savoir, que notre devoir nous demande d’être occupé vingt-quatre heures par jour. (…) vous serez donc indulgent pour me pardonner, surtout dans ces grands jours qui s’en viennent. J’ai donc reçu vos deux lettres auxquelles je vais répondre immédiatement. Je commence donc. C’est un pays pluvieux, j’ai remarqué même qu’il a plu seize jours de suite, tant qu’à la terre elle n’est pas cultivable, ce n’est que de la lave qui fut projetée par les volcans. Les gens se nourrissent que de poissons. Au mois de juillet, de huit jusqu’à douze heures du matin, il fait un vent très froid et cela se poursuit pendant six mois et, s’il vous plaît, avec vingt-deux heures de noirceur. L’emblème de ce pays est l’ours blanc du Groenland qui, faute de proie pour satisfaire sa faim, saute sur un bloc de glace à la dérive pour conduire en Islande chercher sa proie.
Eh oui bien chers parents, je penserai à vous dans ce nouvel an, qui me rappelle tant de souvenir. Je laisse à la Divine Providence le soin de me ramener à vous tous, dont je souhaite qu’Elle m’ait bonne santé, après un long voyage d’outre mer. Je suis touché et vous remercie en faisant mon signe de croix.
Donc bonne année chère père et mère et que Dieu vous garde jusqu’à ma réintégration. Je souhaite à tous mes frères et sœurs et à vous ainsi que des amis une très bonne santé et que Dieu vous réserve une place là-haut dans ce beau Paradis que nous désirons obtenir un jour, notre vie sur cette terre pour témoin.
De votre fils, qui s’est fait soldat du Christ pour le défendre, jusqu’à ce qu’il ne me reste plus une goutte de sang humain dans les veines.
Léo
Angleterre le, 15 février 1941
Bien chers parents,
Je profite de ce moment de liberté pour vous donner de mes nouvelles. Ma santé est toujours bonne, et j’espère que vous en êtes ainsi. Prochainement après mon cours de sous-officier, je suivrai un autre cours, d’anglais et de chauffeur. Malheureusement, je ne puis accomplir ma promesse en vous envoyant une carte postale avec cette lettre, mais soyez sûrs qu’aussitôt que j’aurai quelques soirées de libres, j’en achèterai un lot, pour vous en envoyer dans chacune de mes lettres. Je dois vous dire que ma Sœur m’a écrit, et elle m’envoie un chapelet que je vais recevoir bientôt. Comme je vous dis mon temps est tout employé ; l’après midi, de quatre à cinq, je pratique le football et la boxe, ainsi que le mercredi et samedi et dimanche après-midi. Oh il a quelque chose que je voudrais photographier ; il s’agit de certains arbres qui peuvent être taillés sous différentes formes, comme par exemple en forme de banc, d’animaux, d’oiseaux et d’arche, c’est très jolie à voir. Vous verrez. Et ceci toujours vert, l’hiver et l’été. Léopold ainsi que Mlle Hélène m’ont envoyés des cigarettes ainsi qu’un beau chandail, j’en suis très fier.
Avant de terminer, je crois qu’en écrivant quelques mots à Lucien, ça lui ferait très plaisir. J’aimerais vous écrire plus souvent, ainsi qu’à Rosaire et mon oncle Ubald et tous les autres. C’est ma plus grande peine, que je ne puisse pas le faire. Faites-leur comprendre à tous, et dites leurs qu’ils ne se gênent pas pour m’envoyer de leurs nouvelles. Car vous chère maman, papa, frères et sœurs, si j’étais privé de vos nouvelles, je n’aurais pas le courage, la force de pouvoir accomplir mon devoir, comme je le fais. Donc bonsoir maman, papa et tous mes frères et sœurs, que Dieu vous garde tous jusqu’à mon retour, dont j’espère sera bientôt.
De votre fils affectueux qui vous embrasse avec les larmes aux yeux.
Des saluts à tous mes amis,
Léo
Angleterre, le 15 février 1941
Mr. Lucien Bélisle
Cher frère,
Je t’écris ces quelques mots pour te donner de mes nouvelles qui te feront, j’en suis sûr, bien plaisir. Comme je disais à tes parents, je suis en parfaite santé. Eh bien comment es-tu toi ? travailles-tu toujours à la même place ? Es-tu chic comme avant ? Te rappelles-tu quand on sortait ensemble et qu’on rencontrait des jeunes filles ; en te voyant elles chuchotaient ceci ; “Regardes comme il paraît bien cet homme là !” en voulant parler de toi. N’est-ce pas que c’est vrai ? et elles avaient raison de dire cela. Léopold m’a dit que tu lui avais donné un dollar pour m’envoyer des cigarettes, je te remercie beaucoup. Car je viens d’en recevoir 3 (…), et il me dit que lui et Mlle Hélène vont m’en envoyer 600 : ça va être une vraie mine d’or, après avoir reçues tes cigarettes je vais en recevoir encore d’eux-autres. Maintenant, vas-tu encore chez Mr Clouette ? vois-tu tous les amis ? tu les salueras pour moi. J’aimerais nous voir encore ensemble, pour aller aux vues, pour aller voir jouer au baseball, c’était beau dans ce temps là. Je te dis donc le bonsoir et bonne nuit. Oh ! j’oubliais de te demander si tu as une amie ? tu l’embrasseras pour moi.
De ton frère militaire,
Léo
P.S. Tu diras à maman qu’elle me dise si elle reçoit l’argent que je lui envoie à tous les mois. Si par hasard, il y aurait un mois qu’elle recevrait rien, qu’elle m’en avertisse au plutôt ; car cela a commencé le mois de décembre et continue à tous les mois. Merci.
Montréal, le 20 février 1941
Cher enfant,
Il est très agréable pour nous d’apprendre que tu te conduis bien et par conséquent tu fais ton devoir. J’ai un peu retardé à te répondre espérant recevoir la réponse de ma dernière lettre. Nous sommes tous bien, j’espère qu’il en est ainsi de toi. Nous avons vu Sœur Pierre-Amédée dimanche dernier ; elle est très bien, elle nous a dit que Sœur Marie-Alphée, Supérieure et Mère M. Eulalie de Barcelone ont payé un abonnement pour toi à la revue « Le Soldat Canadien » afin que tu puisses lire quelque chose d’intéressant puisque c’est de chez-nous. Peut-être que tu as déjà reçu le premier exemplaire, sinon tu le recevras sous peu. Sœur Pierre-Amédée te demande si tu veux adresser à ses deux bonnes Sœurs chacune une lettre de remerciement séparés, cet abonnement est de 2.00 $ par année. Toutes les sœurs du couvent ont une profonde sympathie pour toi puisque tu es le frère d’une des leurs.
N’oublie pas, bien cher enfant, d’être chrétien d’abord parce que c’est la meilleure consolation au moment du danger. Rien de plus pour le présent. Les meilleurs vœux de chacun des membres de la famille et surtout nous ne t’oublions pas dans nos prières de chaque jour.
Ton père et mère,
Adonias et Alexina
Gove, le 21 mars 1941
Bien chers parents,
Votre lettre n’a pas été aussitôt lue, que je m’empresse d’y répondre. Comme toujours je suis en parfaite santé, malgré la petite grippe qui m’a exempté de mon devoir pendant trois jours et dont je viens de me remettre. Comme vous devez savoir par ma dernière lettre, je reviens aussi de vacances. Mon cours de N.C.O. je viens de le terminer cette semaine. Mais celui de l’anglais se continue toujours; tant qu’au sport, le football est fini pour entreprendre la balle-molle.
J’ai aussi une grande nouvelle à vous apprendre, j’ai fait la connaissance de Mr François Goursol. Il est dans l’armée et fait partie des ingénieurs. Et la chose la plus extraordinaire, c’est qu’il est seulement à un mille et demi de chez-nous. Il ressemble beaucoup à mon oncle Antonio. Voilà pratiquement que deux semaines qu’il est arrivé en Angleterre.
Je dois vous dire aussi que j’ai reçu des nouvelles de mon parrain, il a de ce temps-ci mal aux reins, à part cela ils sont tous bien.
Rémi va faire sa première communion ! N’est-ce pas que c’est beau à son âge ?
J’éprouve une grande joie d’apprendre que ces bonnes Sœurs s’intéressent à moi. Vous pourrez dire que ce me sera un grand plaisir que d’offrir mes remerciements à ces dévouées Sœurs.
Ma Sœur m’a dit qu’elle m’a envoyé un chapelet, que je n’ai pas encore reçu. J’espère le recevoir en même temps que le premier exemplaire de cette revue.
Donc soyez sans inquiétude, elles vont recevoir mes remerciements en même temps que cette missive.
Je vous dis donc au revoir à tous et au plaisir de se revoir bientôt.
From your loving son, Léo
Gove, le 21 avril 1941
Bien chers parents,
Rien ne m’est plus doux que de pouvoir m’accorder quelques instants pour vous donner de mes nouvelles. J’espère que cette lettre vous retrouvera tous en bonne santé. Je conserve toujours une bonne santé et j’en remercie le Seigneur.
Nous avons fait dernièrement un travail que nous n’avions jamais fait auparavant, il nous tient occupé jours et nuits pendant quatre jours; ceci me demanda beaucoup d’endurance et de sacrifices. Pour le moment je suis au camp et je viens de recevoir ces jours-ci des nouvelles de mon oncle Ubald : il me dit qu’il a reçu seulement deux de mes lettres, je ne vois pas autre chose que les autres soient coulées. Je lui ai répondu immédiatement.
Comment sont mes frères et sœurs ? Thérèse m’écrit de temps à autres, je vais écrire une lettre à Lucien ainsi qu’à Marie-Rose le bébé de la maison, elle doit être bien grande. Thérèse n’a pas trop de misère dans ses études ? Aurore reste toujours avec vous Maman ?
Simonne travaille-t-elle ? Je pense bien à vous tous et je ne vous oublie pas dans mes prières quotidiennes. Avez-vous été à Ste-Anne, au jour de Pâques, manger de la bonne tire et du sucre d’érable ? Je ne veux rien vous cacher chers parents, je ne corresponds plus avec Fernande, mais je corresponds avec une jeune fille de Westmount dont j’ai eu le bonheur de fréquenter quelquefois. Elle me disait dans une de ses lettres qu’elle irait vous voir aux fêtes, comme elle n’a pas pu, elle le fera prochainement, donc je vous enverrai une de ses missives ainsi que sa photo que vous me renverrez après. Maintenant que j’y pense, j’aimerais avoir une photo de vous chers parents, ainsi que celle de mes sœurs et frères, séparément et toute la famille. Avant de vous dire bonsoir, je vous remercie à l’avance et j’espère me retrouver un jour encore parmi vous.
De votre fils,
Léo
N.B. Elle a 26 ans, ses parents demeurent dans le comté Frontenac, n’a jamais été fréquentée auparavant, d’ailleurs vous en jugerez par vous même, et vous me direz ce que vous en pensez. Dois-je continuer d’écrire à cette jeune fille ? Je me fais photographié à la fin du mois et je vous en enverrai une.
D’un fils qui a besoin des conseils de ses parents.
Gove, 22 avril 1941
Cher père,
C’est aujourd’hui la deuxième journée de printemps, et il fait très chaud. J’espère qu’à Montréal vous jouissez d’une belle température et êtes tous en parfaite santé. J’ai reçu dernièrement une lettre de Savard ; je vois que tu sors avec lui car il me parle beaucoup de toi. Il m’apprend que Lucien que tu t’inquiètes beaucoup sur mon sort. C’est donc dire que tu penses souvent à moi, ceci est beau, je t’en remercie et je te demande aussi d’avoir une pensée pour moi dans tes prières. Sois sans crainte, je ne cours aucun dangers présentement.
Travailles-tu encore chez Mr Samuel ? si oui, n’oublies pas de les saluer en leurs donnant de mes nouvelles, pour moi, ainsi qu’à Mr Clouette, sa femme et toute la gang de la salle de pool, sans oublier St-Maurice.
Parlons un peu de la journée de Pâques, comment l’as-tu passée? Je suppose, que tu n’as pas laissé passer ce jour sans aller visiter les cabanes à sucre, tant qu’à moi je me suis exempté cette belle routine canadienne française.
Oh, Lucien, j’ai envoyé la photo de mon amie de Westmount pour te la faire voir, ainsi qu’à mes frères et sœurs, comment la trouves-tu? Pour moi j’aimerais voir la tienne, car tu en a une, n’est-ce pas?
J’éprouve ici un vif regret de te laisser si tôt, car mon devoir m’appelle ; je t’envoie quelques cartes postales, en attendant de te revoir sous peu, je te dis donc au revoir, et un baiser à Maman et bonsoir à Papa.
De ton fils,
Léo
Angleterre, 7 mai 1941
Bien chers parents,
C’est aujourd’hui mercredi. Hier à 4hres je suis allé à la confesse à mon aumônier et ce matin j’ai communié à la messe de six heures et demie. Actuellement il est 3 1/2 heures environ, 5 heures en avant du Canada si l’heure n’est pas avancée, dans ce cas vous seriez 10 1/2 heures en arrière de nous. Ce soir on part pour un “scheme” de trois jours, donc pas de « dormage » pour cette nuit.
Changement de propos, je me suis fait photographié dimanche et je les recevrai le 15 de ce mois et je m’empresserai de vous en faire parvenir une. À part cela je ne sais pas ce qu’il y a, je n’ai pas reçu le chapelet de Gratia, ainsi que la revue qu’elles m’envoient; c’est à espérer que ce ne soit pas calé au fond de la mer.
La “route marchée” dont je vous parlais dans ma dernière lettre, j’en aurai des souvenirs, que j’ai pris par caméra, je vous en enverrai aussi.
J’ai reçu de Mde Télésphore Leclerc deux paires de chaussettes de laines d’habitants ainsi que des chaussons, tricotés par elle-même, aussi deux paquets de cigarettes, et deux boîtes de gommes.
J’ai écrit à la fin du mois d’avril à Marie-Jeanne, afin que la lettre lui arrive avant sa fête. Car vous savez qu’aujourd’hui elle doit avoir vingt-et-un-cinq si je ne me trompe pas.
Mr Courcelot est parti à quelques part autour de Londres, je n’ai pas eu de ses nouvelles depuis.
Pour moi, j’ai demandé d’être réduit au rang de soldat, ce qui m’a été accordé, mais je ne sais pas si je me garderai ainsi continuellement.
Je termine donc en vous disant bonjour ainsi qu’à mes frères et sœurs en attendant de vous revoir très bientôt.
De votre fils,
Léo
"God Bless you"
Angleterre, le 24 mai 1941
Bien chers parents,
Comme je suis toujours bien occupé, ce n’est donc qu’aujourd’hui que je peux répondre à votre belle lettre qui m’apporte, comme par le passé, des nouvelles des miens que je n’oublie pas, et qui me procurent tant de joies. Je suis encore à Gove, Angleterre, et en parfaite santé. Le beau temps chaud est revenu, c’est tout comme l’été. En parlant de carême et de retraite ; j’ai fait la mienne, et je vous spécifie un fait qui est arrivé en ce temps-là, et ceci est juste le point pour lequel j’ai laissé mon grade de caporal. Voici en un mot ce qui en est : j’avais parmi mes hommes, un catholique comme nous et quand le moment est venu de faire sa retraite, il ne voulais point la faire, moi qui était son caporal, c’était donc mon devoir de le prendre à l’écart et d’essayer de lui faire comprendre par tous les moyens possibles et ne n’y suis parvenu que par l’intermédiaire des officiers. Moi et mon commandant de compagnie nous avons regardé son « pay book », il y était donc marqué qu’il était catholique romain, donc la loi militaire nous ordonnait de l’obliger à suivre sa retraite comme tous les autres. Et pour finir j’ai demandé à Dieu, en le suppliant par son remplaçant en la personne de notre aumônier, qu’il fasse un sermon en conséquence et ma plus grande joie s’éprouva, car ma prière fut exaucée.
Depuis ce temps j’essaie de me tenir en sa compagnie pour lui rappeler toujours son devoir. Et ceci grâce à vous et à Mlle Turcotte qui me procure des prières, je parviens assez facilement à ce but. Dernièrement, dans une conversation que j’avais avec lui, il me parlait de sa mère qui était morte et me demandait si cela serait bien d’envoyer de l’argent pour lui faire chanter une messe, et c’est avec le plus grand plaisir au monde que je le renseignai sur ce sujet. Il se passa dernièrement la fête des mères, je m’adresse donc à vous chère maman, à qui je ne cesse de penser en ce dimanche, je vous souhaite bonne fête et j’y joins un tendre baiser accompagné de quelques photos et je demande à Dieu de vous conserver en santé jusqu’à mon retour qui ne sera maintenant pas trop prolongé.
Pour ce que je sais pas, des nouvelles de la guerre, je ne puis pas vous en dire très long, pour la première des choses, ma lettre serait censurée, ce qui ne vous permettrait pas de recevoir ma lettre et deuxièmement, vous en savez aussi long que moi sur ce rapport, mais je vous dirai tout de même que les raids aériens sont moins fréquents depuis quelques temps, aussi les États-Unis coopèrent beaucoup avec nous dans ces jours-ci au conflit actuel, pour finir nous en tirons la même conclusion que vous. Les gazettes nous êtes anxieux d’avoir de plus fraîches nouvelles que les journaux, c’est pour cela que je ne puis vous en ramener votre plaisir, ce qui me cause beaucoup de peine, veuillez m’en croire.
Veuillez papa excuser le papier, l’écriture, car il ne m’en reste plus et j’essaie d’économiser, car on est en ration sur tout. Ceci est la réponse à votre missive datée du 6 avril, j’indique cela parce qu’il y a de la malle de coulée. Je vous laisse donc à tous le bonjour et au plaisir de vous lire encore bientôt.
De votre fils qui ne vous oublie pas.
Léo
Montréal, le 25 mai 1941
Bien cher enfant,
J’ai un peu retardé de te répondre. Comme tu le sais, au printemps j’ai beaucoup d’ouvrage. Je vais répondre à tes deux dernières lettres.
Nous avons eu la visite de Mlle Hélène Turcotte le 11 mai, elle s’est rencontrée avec Léopold et Mlle Caya, nous l’avons gardée à souper. Elle est très gentille et paraît très sérieuse. Dans ma dernière lettre je t’ai donné tous les détails importants de la famille. Pour le moment il n’y a rien de nouveau. Marie-Rose et Thérèse vont achever leurs classes vers le 18 juin, elles espèrent d’arriver à faire leur année. Tu nous dis qu’il fait chaud en Angleterre, en Canada nous avons eu 3 ou 4 jours de chaleur. Le temps se tient frais mais presque pas de pluie. Ce printemps nous n’avons pas été à la campagne, il n’y a qu’Aurore qui ait été aux sucres; il n’y en a pas eu beaucoup et très cher. Je t’assure que nous sommes tous chargés sous les taxes qui augmentent sans cesse et craignons beaucoup pour la conscription totale, mais à la grâce de Dieu.
Maintenant pour toi courage en la Divine Providence et aussi à la Ste-Vierge et St-Joseph de qui tu peux espérer des faveurs spéciales et peut-être qu’un jour nous aurons le bonheur de te voir revenir au milieu de nous tous, espère que nous caressons de tout notre cœur. Je te remercie du portrait des Mlle Turcotte ce sera peut être un (…) dans l’accomplissement de tes devoirs.
Nous t’envoyons deux paires de bas ainsi qu’un outil pour repriser les bas et une tablette pour écrire.
Je termine te présente mes meilleurs (…) courage et bonne chance.
Adonias
1940
Juillet
Août
Octobre
Novembre
Décembre
1941
Février
Mars
Avril
Mai
Mai
Juin
Angleterre, le 11 juin 1941
Bien chers parents,
Je viens dernièrement de recevoir des nouvelles de Mlle Rose Hélène, me disant qu’elle était allée à la maison, et qu’elle était très contente de son voyage, puisqu’elle me dit que j’ai de bons parents, elle m’en fait des félicitations. J’ai quelques questions à vous poser sur ce sujet : j’espère que vous n’avez pas été trop surpris de cette visite et que vous l’avez trouvé agréable, puisque vous l’avez gardé à souper. Laissons pour le moment ceci, pour parler de vous tous chers parents, vous êtes tous en parfaite santé je suppose. Comment est Lucien, il travaille toujours, je crois que, dans mes lettres déjà, je lui demandais de me faire voir son amie, la guerre va finir bientôt, j’aurai la chance de la voir tout amie. Maman, comment est notre gros bébé de la famille, il doit s’ennuyer de son Léo, il va revenir plus vite que vous le pensez tous, en Marie-Rose !
Tu te rappelles Marie-Rose dans une lettre que j’écrivais à maman, puis à Thérèse que j’étais pour t’envoyer un souvenir, je ne l’ai pas encore envoyé, je vais l’envoyer quant même et tu le recevras à la fin de juillet, mais je veux que tu m’écrives. Moi quant j’ai commencé j’avais beaucoup de difficulté à te correspondre, mais voilà qu’aujourd’hui ça sort tout seul, je suis une vraie pie, quoi jase, jase toujours. Vois-tu Marie-Rose cela c’est à force d’écrire. Surtout c’est pas gênant, tu écris pareil comme si tu parlais, c’est une vraie conversation.
Maintenant je reviens à vous chers parents, je n’oublie pas mon devoir de chrétien, comme dans ce mois, c’est le mois du Sacré-Cœur vu que je fais partie de la ligue du Sacré-Cœur, je vais à la messe à tous les vendredi. Mon ami me parle du jardin, tout doit être bien poussé maintenant, j’aimerais ça avoir une photo de cela, ainsi que de la façade de la maison ainsi que de vous bien chers parents. Combien de choses j’aurais à vous dire encore, mais mon devoir m’appelle, je vous reviendrai donc bientôt.
Je vous laisse donc en vous disant bonjour et bonne chance et au plaisir de vous lire très bientôt.
De votre fils dévoué, Léo
"Que Dieu vous garde jusqu’à mon retour"